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28 juillet 2011

La Halde est morte, vive le Défenseur des droits !

La Halde est morte, vive le Défenseur des droits !
le 10 juin 2011
Alors que la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) disparaît, l’Observatoire des inégalités dresse un bilan de ses six années d’existence. Par Noam Leandri, de l’Observatoire des inégalités.

La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) a été supprimée par une loi adoptée le 15 mars 2011. Elle fusionne au sein d’un Défenseur des droits avec trois autres autorités administratives indépendantes, le médiateur de la République pour les litiges avec les services publics, le défenseur des enfants qui a pour objectif de faire appliquer la convention internationale des droits de l’enfant et la Commission de déontologie de la sécurité pour les manquements des autorités de police, douane, gendarmerie, etc.

Instituée en mars 2005, la Halde avait marqué un tournant dans la lutte contre les discriminations en offrant un canal unique de réception des plaintes. Cette haute autorité succédait au Groupe d’étude et de lutte contre les discriminations (GED) créé en 1999 qui avait mis à disposition des victimes et témoins de discriminations raciales un numéro de téléphone gratuit pour signaler ces actes.

Les associations investies dans la lutte contre les discriminations [1] la traitaient initialement d’ « autorité alibi » ou de « coquille vide » parce qu’elles craignaient son manque de pouvoir coercitif. Elles regrettent à présent la perte de visibilité et d’indépendance qui étaient sa force. Au final, quel bilan tirer de ces six années ?

Parler des discriminations c’est déjà lutter

Les campagnes de communication de la Halde et la motivation de son premier président - Louis Schweitzer - ont permis une prise de conscience du problème. L’importante médiatisation de son existence (affiches, radios), très coûteuse [2], a conduit à une forte progression des réclamations passant de 4 058 la première année complète à 12 467 en 2010. Les six rapports annuels de l’institution ont permis de dresser un état du sentiment de discrimination, qui s’exprime le plus souvent dans l’emploi.

Parallèlement, les critiques portées par la Halde sur les pratiques des pouvoirs publics ou des entreprises ont prouvé l’indépendance de son collège - composé d’experts nommés par l’Etat. En 2007, elle prenait ainsi le gouvernement à rebrousse poil en s’opposant aux tests ADN qui devaient être instaurés pour le regroupement familial des étrangers. Elle avait été chargée de rendre des avis indépendants et critiques sur la diversité dans la fonction publique et la télévision publique, qui ont démontré la reproduction des élites et la nécessaire ouverture sur la diversité de notre société. Enfin, ses avis sur des cas de discriminations dans de grandes entreprises - qui se paraient des vertus de la "promotion de la diversité" - ont égratigné leur image de marque.

Toutefois, l’épisode raté des tests de discrimination à l’embauche auprès des entreprises du CAC 40 en 2008 a eu raison de ses velléités de sanction par l’image. Cette enquête, réalisée par un membre du conseil consultatif de la Halde avait coûté très cher [3]. Mais la rigueur scientifique avait été vigoureusement contestée par les entreprises incriminées car un cinquième des CV fictifs ne correspondaient pas aux postes proposés et les candidatures n’étaient effectuées que par Internet. Plus récemment, la Halde était restée muette au sujet de la circulaire du ministère de l’intérieur d’août 2010 incitant les préfets à l’expulsion des Roms, pourtant jugée discriminatoire autant par de très nombreuses organisations non-gouvernementales que par la Commission européenne et les Nations Unies, et finalement annulée par le Conseil d’Etat.

Des sanctions au compte-goutte

La première limite de cette institution résidait dans son absence de réels pouvoirs. Malgré l’extension de ses prérogatives en 2005, elle ne pouvait pas condamner elle-même les auteurs de discriminations. Tout au plus pouvait-elle proposer des transactions, c’est-à-dire des négociations de pénalité entre la victime et l’auteur. Par conséquent, les cas avérés dont elle avait connaissance étaient ensuite transmis au procureur pour instruction.

Force est de constater que très peu de réclamations ont abouti devant les tribunaux. Sur les 43 407 reçues entre 2005 et 2010, seules 40 ont été transmises à la justice. Il faut noter que, dans l’ensemble, très peu de réclamations pouvaient être traitées - 5 % au total -, soit parce qu’elles n’étaient pas suffisamment démontrées, soit parce qu’il ne s’agissait pas de discriminations, mais par exemple d’injures racistes ou sexistes qui relèvent d’autres lois.

Moins de discriminations et plus d’inégalités ?

L’action de la Halde a indéniablement permis une prise de conscience des discriminations et des préjugés qui demeurent puissants dans la société française en dépit du discours égalitaire officiel. Elle a mis en avant les discriminations, formes extrêmes des inégalités, qui représentent une violence sociale. Ceci dit, le bilan est assez mince au regard des moyens employés, un budget annuel de 12 millions d’euros et des effectifs qui ont culminé à 87 agents en 2009.

Se concentrant sur les discriminations, elle a aussi conduit à détourner le regard de formes d’inégalités peut-être moins violentes en apparence, mais bien plus répandues. Si les femmes sont moins rémunérées que les hommes, c’est bien moins du fait d’un machisme des employeurs que du temps partiel subi, de l’orientation des filles vers les filières moins rémunératrices ou du fonctionnement même du marché du travail (voir notre article). De même, les descendants d’immigrés sont plus souvent au chômage avant tout car ils sont moins diplômés et d’origine sociale plus modeste (voir notre article).

L’ampleur de la campagne anti-discriminations a donc parfois fait passer au second plan la lutte contre les inégalités dans les politiques publiques. De très nombreuses mesures, de l’assouplissement de la carte scolaire à la diminution du nombre d’enseignants dans les réseaux d’aides spécialisées pour les jeunes enfants à l’école en passant par les baisses d’impôts, ont bien davantage pénalisé les catégories sociales les moins favorisées, qui sont souvent, en même temps, victimes de discriminations.

photo / © JB - Fotolia.com



[1] Collectif pour une autorité indépendante universelle de lutte contre les discriminations.

[2] Environ 8 millions d’euros depuis sa création.

[3] 570 000 euros d’après le Canard enchaîné du 2 avril 2011.

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