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1 septembre 2012

La Révolution arabe. Dix leçons sur le soulèvement démocratique

Dans le sillage des événements récents qu’ont connus les pays arabes, de nombreux commentateurs plus ou moins experts ont échangé leurs points de vue sur la situation de ces pays, sans toujours en saisir les enjeux essentiels ni la portée cruciale. C’est là l’un des principaux mérites de l’ouvrage "La révolution arabe. Dix leçons sur le soulèvement démocratique" que de livrer avec acuité et recul des enseignements convaincants à propos du vent de contestation qui balaie le Maghreb et le Machrek.

 

L’auteur, Jean-Pierre Filiu, professeur à Sciences Po Paris, Columbia et Georgetown, arabisant et historien de formation, replace les événements historiques actuels dans leur contexte et bat en brèche bien des idées reçues sur ces pays qui ont en commun d’aspirer, après la renaissance qu’ils ont connue au XIXème siècle, une deuxième "nahda" au début du XXIème siècle.

 

Sans procéder à une description exhaustive des thèses présentées dans cet ouvrage, on peut rassembler l’optique de l’auteur autour de cinq enseignements structurants.

 

Le monde arabe n’est pas une aire géographique qui fait exception et la grille de lecture religieuse est insuffisante pour en saisir les enjeux.

 

Dans le sillage de l’analyse des relations internationales de l’après guerre froide, le monde arabe était souvent vu comme l’exception, comme si une altérité radicale condamnait ces pays à l’impasse, au malaise et au désespoir. L’exemple paroxystique de cette réalité étant la Ligue Arabe, organisation divisée, démonétisée aux yeux de certains, en tous les cas incapable de faire porter une voix cohérente au-delà des rivalités entre les pays qui en sont membres. Mais face à des régimes corrompus et violents, comme ceux de Ben Ali en Tunisie ou Moubarak en Egypte, cette analyse globalisante s’est fissurée pour montrer que les populations, là comme partout ailleurs sur la planète, aspirent à des régimes différents et à une amélioration de leurs conditions d’existence.

 

A cette grille de lecture s’en était ajoutée une autre, essentialisant le rapport de ces peuples à la religion majoritaire. Or, comme l’explique très bien l’auteur, l’islam n’est pas systématiquement le facteur dominant d’explication du comportement politique des musulmans. Le référentiel religieux demeure bien entendu capital, mais dans des pays où les minorités chrétiennes restent importantes et dans lesquels les prémices d’une certaine sécularisation de la société s’observent, l’islam ne saurait constituer l’alpha et l’oméga de l’analyse, sous peine d’expliquer par la religion des attitudes déterminées davantage par la sociologie et par l’économie que par la foi.

 

La jeunesse est le fer de lance des bouleversements en cours et les réseaux sociaux en constituent un outil utile mais insuffisant.

 

Face au mépris et à l’humiliation dont ils se sentent souvent victimes, les jeunes, "chebab", s’organisent pour lutter contre cette "hogra", ce dédain, ce sentiment d’abaissement qu’ils ressentent. Avec un chômage des jeunes dans le monde arabe deux fois supérieur à la moyenne internationale, c’est toute une partie de ces peuples qui ne trouve pas sa place dans des sociétés perçues comme figées, dont les structures sociales se perpétuent à leur détriment. L’immolation de Mohammed Bouazizi, qui a lancé la révolte en Tunisie, est emblématique de cette colère en marche et de la dénonciation des fléaux qui gangrènent ces sociétés (inégalités criantes, confiscation du pouvoir par un clan prédateur…). La prise de parole des jeunes se traduit par des mobilisations collectives, via les médias traditionnels, quand cela est possible, et surtout via les nouveaux médias, ces réseaux sociaux où la parole est plus libre et la mobilisation de la population plus aisée.

 

En effet, malgré la répression qui s’abat parfois sur la toile, internet constitue un levier privilégié d’action pour les jeunes. Facebook a ainsi joué un rôle central en fédérant des mécontentements au sein de groupes organisés et en favorisant la structuration de réseaux de militants, parmi lesquels ceux qui se retrouvèrent place Tahrir jusqu’au départ du pouvoir de Moubarak. Ils permettent de déjouer le contrôle sécuritaire et d’alimenter un sentiment commun d’appartenance à un groupe mobilisé. Toutefois, la mobilisation "virtuelle", bien réelle, ne se substitue pas aux formes plus traditionnelles de mobilisation, l’activisme militant demeurant dominé par les manifestations directes du mécontentement.

 

Le culte du chef n’existe plus, sans que l’alternative à l’autoritarisme ou à la dictature ne soit clairement identifiée.

 

L’une des analyses les plus novatrices de l’ouvrage réside dans la conviction d’une rupture dans ces révoltes, à savoir le caractère acéphale des mobilisations, sans rassemblement de tous derrière un chef qui guiderait le groupe. Si des leaders ou des réceptacles de la mobilisation émergent (El Baradei en Egypte par exemple), c’est dans une dynamique collective, syndicale notamment (l’UGTT en Tunisie), que s’expriment les revendications de droits et de respect. Cette affirmation de l’auto-discipline citoyenne est une réelle nouveauté selon l’auteur et laisse augurer un renouveau des leviers de mobilisation.

 

Plus classique est la dénonciation par l’auteur de l’écran de fumée, brandi parfois en Occident et souvent par les régimes honnis, de l’absence d’alternative aux régimes en place autres qu’intégriste, ces "moindres maux" étant perçus comme un barrage face aux islamistes. Ceux-ci ont en réalité été considérablement renforcés, sur le plan politique, du fait du manque de pluralisme, et sur le plan socio-économique, du fait de l’incapacité des gouvernements en place de satisfaire les demandes de bien-être de leur population. Ce n’est donc pas "moi ou le chaos" mais, "parce que moi, le chaos" et donc "contre moi, le chaos" pour organiser une alternative plus respectueuse des volontés populaires.

Titre du livre : La Révolution arabe. Dix leçons sur le soulèvement démocratique
Auteur : Jean-Pierre Filiu
Éditeur : Fayard
Collection : Documents
Date de publication : 07/09/11

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