Robert Neuburger, psychiatre, auteur du Mythe familial*
Qu’est-ce que la mémoire familiale ? La mémoire familiale, c’est d’abord des souvenirs, des sensations, des façons d’être, des croyances que l’individu tire de sa famille… Et cette mémoire composite, un individu va la mobiliser, plus ou moins consciemment, pour se situer au présent. En bref, cette mémoire nous confère une identité, nous donne des racines.
Comment fonctionne-t-elle ? Cette mémoire se transmet de deux manières : verbalement bien sûr, mais pas seulement. Elle s’affiche aussi dans les comportements. Pour prendre un exemple simple, on affirme, dès la naissance, qu’un nourrisson ressemble à telle ou telle personne. C’est assez faux : il faut bien admettre qu’un bébé ne ressemble à personne, mais le processus de transmission commence là. On installe l’enfant dans une histoire, et, à partir de là, il va opérer lui-même une sélection entre ce qui lui plaît et ce qui ne lui plaît pas.
Peut-on l’occulter ? Il y a des familles où l’on pense que l’enfant se construit tout seul. Eh bien, non : transmettre la mémoire familiale lui offre une sécurité de base. A l’inverse, ne pas transmettre cette mémoire peut être dangereux. Sans repère, un enfant, un adolescent, peut devenir violent. Il reste libre, bien sûr, de s’opposer à cet héritage, mais c’est alors une manière pour lui de se construire.
Y a-t-il des événements qui marquent, plus que d’autres, la mémoire familiale ? Les événements traumatiques participent évidemment de cette mémoire et lui fournissent des éléments importants. Surtout lorsque ces événements accouchent d’éléments à mettre au crédit de la mémoire familiale : un ancêtre mort à la guerre glorieusement, par exemple. Il devient une sorte de repère pour les générations suivantes. |