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24 octobre 2010

pour-le-belliqueux-michel-onfray-lislam-est-un-probleme-

http://www.rue89.com/2010/06/16/pour-le-belliqueux-michel-onfray-lislam-est-un-probleme-154998

Ci-dessous, la version originale de l'article.


Onfray, l'homme qui aimait la guerre

« L'islam est un problème. Si vous lisez le Coran, si vous lisez la vie du Prophète ou les hadiths, on est pas du tout dans une logique républicaine, mais misogyne, phallocrate. On est pas dans une logique cosmopolite, on est dans l'antisémitisme. On est dans la haine de l'étranger. On est pas dans une logique pacifiste, on défend la peine de mort, on défend l'égorgement des infidèles. Donc, il faut lire (…) L'islam n'est pas une religion de paix, de tolérance et d'amour (…) Les communautés religieuses sont intrinsèquement intolérantes. Elles ne supportent que leur Dieu et le Dieu du voisin n'est pas le bon Dieu. (…) Le Coran, c'est la parole du Prophète, donc on prélève pas ce qui nous plait ou nous plait pas. »

Voici ce que pouvaient entendre les auditeurs de RMC, jeudi dernier dans l'émission les Grandes Gueules. Un festival de bonnes paroles, équilibrées, pesées, et bien entendu, fondées sur des sources scripturaires, correctement interprétées. Le nieztchéisme d'Onfray est un humanisme.


Onfray, qui s'est promis, tel un fier viking, d'endosser la cuirasse du pourfendeur d'idoles, et de saisir le marteau salvateur de la vérité pour frapper et encore frapper, ces métaux hideux et falsifiés que nous appelons les valeurs morales, les valeurs religieuses, les religions et leur Dieu qui ne veut décidément pas mourir, Onfray aime la guerre.


Certes, de celle qui ne verse aucun sang, si ce n'est symboliquement. La polémos, cette guerre grecque qu'Onfray a décidé de livrer, armé de son splendide logos, contre les infamies religieuses. Un djihad républicain contre l'islam, mais pas seulement. Contre la religion. Onfray le dit et le répète, il n'a rien contre les musulmans, mais tout contre leur religion.


Cette énième sortie du philosophe ne surprendra donc personne. L'auteur du traité d'athéologie mène sa propre guerre contre les idées reçues et revisite l'histoire de la philosophie, sa Contre-philosophie.


Pourtant, rien de philosophique dans cette position de principe. Ces déclarations provocatrices d'Onfray relève, une nouvelle fois, davantage de l'acte de foi matérialiste que d'une critique conceptuelle, à laquelle on s'attendrait sérieusement de l'auteur français, même en substance. 


Sans même parler de l'état des connaissances religieuses de notre écrivain qui s'improvise théologien, alors qu'il ignore semble t'il toute la différence, à la fois syntaxique, prosodique et sémantique, entre le texte coranique et les ahadiths, différences qui postulent raisonnablement pour deux origines de ces deux type de textes, Onfray multiplie les contre-sens.


Première contradiction, le philosophe affirme circonscrire sa critique aux textes sacrés et non à ses fidèles. Pourtant, il juge que les communautés religieuses, musulmanes comprises, sont intrinsèquement intolérantes. Il s'agit donc bien d'un jugement de valeur et d'une condamnation humaine, pour le moins catégorique. Il pouvait difficilement en être autrement. On voit mal comment des fidèles se revendiquant d'une conviction et d'une pratique religieuse, appuyées sur des références textuelles, pourraient échapper à une charge nietzschéenne contre la religion.


Nietzschéenne ? Rien n'est moins sûr.


L'islamophilie nietschéenne


Nietzsche, mentor, maître à penser de notre soldat philosophe, partageait-il le jugement de son disciple, qui réduit la troisième religion monothéiste à une somme d'antisémitisme, de misogynie et de bellicisme exacerbé ?  Deux aphorismes, très acidulés, du maître de Zarathoustra, peuvent y répondre.


« Si l’Islam méprise le christianisme, il a mille fois raison: l’Islam suppose des hommes pleinement virils.   Le christianisme nous a frustrés de la moisson de la culture antique, et, plus tard, il nous a encore frustrés de celle de la culture islamique. La merveilleuse civilisation maure d’Espagne, au fond plus proche de nous, parlant plus à nos sens et à notre goût que Rome et la Grèce, a été foulée aux pieds (et je préfère ne pas penser par quels pieds!) – Pourquoi? Parce qu’elle devait le jour à des instincts aristocratiques, à des instincts virils, parce qu’elle disait oui à la vie, avec en plus, les exquis raffinements de la vie maure!… Les croisés combattirent plus tard quelque chose devant quoi ils auraient mieux fait de se prosterner dans la poussière [...]  (…) 

La noblesse allemande est à peu près absente de l’histoire de la culture supérieure: on en devine la cause… Le christianisme, l’alcool – les deux grands moyens de corruption… En soi, on ne devrait même pas avoir à choisir entre l’islam et le christianisme, pas plus qu’entre un Arabe et un Juif. La réponse est donnée d’avance: ici, nul ne peut choisir librement. Soit on est un tchandala, soit on ne l’est pas. « Guerre à outrance avec Rome! Paix et amitié avec l’Islam. » C’est ce qu’a senti, c’est ce qu’a fait ce grand esprit fort, le seul génie parmi les empereurs allemands, Frédéric II [Hohenstauffen]. » L’Antéchrist, §§ 59 et 60.

Si l'on peut naturellement émettre, sur le fond, des réserves aux écrits de Nietzsche, il n'en demeure pas moins étonnant qu'un disciple aussi fier qu'Onfray, fier de son héritage philosophique, se fasse autant plaisir en le liquidant. Décidément, Onfray ne croit en rien. Pas même en ses maîtres. On peut lui reconnaître cette constance anarchiste.

Au-delà de ces déclarations radiophoniques, forme de synthèse de tout les raccourcis qu'on a pu produire sur le sujet, c'est l'éternel procès de la religion, qu'intente une nouvelle fois, le philosophe. L'éternel retour du religieux, et de l'acte d'accusation qu'on lui oppose. La religion est facteur de guerre et les guerres de religions ont compté comme les plus sanglantes de notre histoire.

Cet argument est malheureusement aussi faux, qu'il est fréquemment employé, à dessein, par les contradicteurs de la foi. Nous n'allons tout de même pas nous livrer à une comptabilité funèbre, aussi cynique, qu'inappropriée. Cependant, qui peut décemment affirmer que la religion fut un facteur de développement meurtrier du genre humain, lorsque le siècle le plus morbide de notre dernière ère, vit s'affronter des idéologies qui n'ont que peu de choses à voir avec le fait religieux. Nationalisme, fascisme, communisme, capitalisme, se sont livrés, par territoires et puissances interposés, à la guerre la plus terrible qu'on vit de mémoire d'hommes. Des idéologies tirant souvent leurs fondements de l'athéisme, sous ses formes les plus diverses. 

L'essence de la civilisation


Michel Onfray, dans le mince intervalle qui sépare ces accès d'égotisme, devrait s'interroger sur deux choses qui ne cesse, pour ma part, de m'étonner.

L'athéisme, comme doctrine, n'a fondé aucune des grandes civilisations de notre humanité. « Les civilisations naissent à l'ombre des temples », écrivait déjà en 1946, le philosophe et penseur Malek Bennabi.

Toutes les grandes civilisations ont été fondés sur une foi, une croyance religieuse, ou une voie spirituelle, révélées ou non-révélées. La civilisation chinoise a été établie sur la base du confucianisme, doctrine morale et spirituelle, fondatrice d'une éthique sociale exigente. L'hindouisme et le bouddhisme ont fondés les civilisations asiatiques de l'Extrême-orient.

Les civilisations égyptienne et gréco-latine ont baignés et se sont nourris de croyances païennes et polythéistes, paganisme qui par fusion avec le christianisme, a fondé la civilisation européenne, avec les apports majeurs du judaïsme, et de l'islam. La brillante civilisation arabo-islamique de l'Andalousie, célébrée par le même Nietzsche, a rayonné huit siècles durant, sur le monde.

L'autre élément qui peut attirer notre attention, est le développement de la philosophie occidentale, qui s'étend depuis le milieu du 19ème siècle jusqu'au milieu du 20 ème. Un peu plus d'un siècle entier, probablement le dernier siècle de la philosophie européenne, puisqu'il est un fait avéré que cette philosophie s'est lentement et progressivement éteinte, sur les cendres de l'après-guerre. Ce siècle, fut incontestablement celui du triomphe du matérialisme philosophique, sous toutes ses variantes, portés par les maîtres du soupçon (Marx, Nietzsche, Freud), et leurs héritiers, jusqu'à Sartre et Camus. 

C'est ainsi que le triomphe du matérialisme philosophique, entraîna la mort.....de la philosophie.

Finalement, rien d'étonnant, puisque le matérialisme qui postule que tout est matière, que l'esprit ou l'âme n'existent pas, ce matérialisme philosophique est lui-même une idée. Tel est son paradoxe. La matière ne produit pas d'idées, pas plus qu'elle ne produit de valeurs. La matière est une donnée brute, incapable de produire de l'abstraction théorique. Postuler que la matière puisse créer du concept est une contradiction si forte, que seule la force d'une conviction peut la dissimuler.

Peut-être est-ce là que réside tout le secret de la philosophie ? Une fois éloignés de ses rivages maritimes,  nos philosophes se condamneraient au dessèchement et à une perte certaine. Nos trois maîtres du soupçon l'ont finalement perçu, intuitivement, dirions-nous.

Dans un célèbre passage du Capital, le très matérialiste Marx situe la différence qui peut séparer la brillante œuvre de l'architecture des abeilles et la moindre besogne accomplie par l'homme,  dans le fait que ce dernier a « construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la ruche. Le résultat auquel le travail aboutit préexiste idéalement dans l'imagination du travailleur. » Une différence d'ordre idéale...

Au détour d'un aphorisme humain, trop humain, Nietzsche se plait à accepter l'idée de l'existence d'une âme, dès lors qu'elle serait matérielle. Une âme matérielle, diantre, mais c'est l'homme.

Quant à Freud, on sait toute l'influence que la tradition allemande a exercé sur sa psychanalyse. Inconscient, Moi, Surmoi, ça, résonne comme autant de noms d'entités abstraites et de postulats, très peu scientifique, pour reprendre la critique poppérienne.

La philosophie n'a donc jamais quitté sa matrice originelle, et sa métamorphose ne fut que le meilleur signe de son renouvellement.

Mais à ceci, Michel Onfray n'aura probablement cure. Et aux subtilités des raisonnements conceptuels, préférera sans doute le cliquetis des dagues affilées. 

Fouad BAHRI

Écrivain et journaliste.

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