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27 février 2010

Reportage Un "Sang Neuf" culturel pour les abattoirs de Nice LE MONDE | 28.12.09 | 16h15 • Mis à jour le 28.12.09 | 16h15 Nic

   

Reportage

   

Un "Sang Neuf" culturel pour les abattoirs de Nice

   

LE MONDE | 28.12.09 | 16h15  •  Mis à jour le 28.12.09 | 16h15

Nice Envoyé spécial

lle est blonde, belle et nature, ne fait pas ses 47 ans. La comédienne Sophie Duez a été révélée au cinéma en 1984, dans Marche à l'ombre, de Michel Blanc. Elle a eu du succès à la télévision. Elle a joué Shakespeare au Théâtre de Nice. Le défi qui l'attend est tout autre : transformer les anciens abattoirs de Nice en centre culturel. Faire de ce "lieu de mort un lieu de vie". Le projet a pour nom de code "Chantier Sang Neuf". Son nouveau terrain de jeu mesure 40 000 mètres carrés.

aller au but, Sophie Duez vient de prendre un virage brutal. Car sa position était intenable. A peine est-elle élue aux municipales sur la liste de gauche et d'opposition, en 2008, que le nouveau maire, Christian Estrosi (UMP), devenu depuis ministre de l'industrie, lui demande de réfléchir à un projet pour les abattoirs. Elle accepte, se met au travail. Elle a abandonné sa casquette d'élue le 11 décembre. Quatre jours plus tard, elle est nommée chargée de mission auprès de M. Estrosi. Trahison ? "Je voterai toujours à gauche", dit-elle, droit dans les yeux.

A ceux qui l'accusent de se fourvoyer dans cette ouverture à la mode niçoise, elle répond : "Je ne suis pas la femme de ménage de Christian Estrosi, je travaille pour un élu du peuple. La culture n'est pas son terrain familier, mais il m'a donné des cartes." Elle ajoute : "Je me suis toujours nourrie des contradictions. J'ai été mannequin chez Elite et j'ai fait khâgne et hypokhâgne. J'ai été comédienne en suivant une maîtrise à la Sorbonne. J'ai travaillé pour la télévision et j'ai joué au Festival d'Avignon. J'ai préféré rejoindre la troupe du Théâtre de Nice, en 2002, même si je gagnais en un mois ce que j'aurais pu gagner en deux jours à la télévision. Je refuse les sectarismes. Et je sais dire non."

"Un job à temps plein"

Plus trivialement, l'élue Sophie Duez ne pouvait être rémunérée pour son travail sur les abattoirs. Or, dit-elle, "ce chantier, c'est un job à temps plein". Pourquoi elle ? Sophie Duez n'a jamais piloté un projet de ce type, a fortiori de cette ampleur. Elle est née à Nice, mais elle n'est pas du sérail. Elle est vierge en politique. "Mais c'est une très forte personnalité, cultivée et intelligente", assure Daniel Benoin, qui l'a dirigée pendant cinq ans au Théâtre de Nice.

Les notables et décideurs niçois sont agacés par cette femme qui rend des comptes à M. Estrosi seul. Elle dit d'ailleurs : "Le maire est mon référent. Le vrai adjoint à la culture, c'est lui." C'est justement Christian Estrosi qui a décidé de ne pas livrer les anciens abattoirs aux promoteurs. "Pour me conforter dans mon choix, j'ai montré le site à mon ami l'architecte Jean Nouvel, qui vient d'installer une fondation pas loin, sur le mont Boron. Il m'a dit qu'il y avait un truc extraordinaire à faire aux abattoirs. Et il nous manque un lieu de création foisonnant."

Le maire est sûr de son choix : "Sophie Duez est une créatrice qui déborde d'idées. Et c'est une sacrée personnalité. La gestion, ce n'est pas ce que je lui demande." Pour l'épauler, Yves Nacher, un architecte qui a aussi fait du management, vient d'être nommé chef de projet. Ce sera sans doute un chantier cher pour une période de crise. Les abattoirs sont fermés depuis plus de vingt ans, et sont devenus un lieu de stockage. La rénovation n'est pas encore chiffrée. "Estrosi m'a dit : "Fais le plus beau projet qui soit, je trouverai l'argent"", explique Sophie Duez.

Le maire estime la rénovation à 30 à 40 millions d'euros, qu'il se fait fort de trouver, y compris à Bruxelles et auprès d'investisseurs privés. C'est le fonctionnement qui sera le plus délicat, car la facture annuelle peut provoquer des remous : un nouvel établissement se fait souvent au détriment de ceux qui existent. M. Estrosi pointe l'opéra, "qui dévore plus de 80 % du budget de la culture" - 85 millions d'euros, 16,61 % du budget total. "Je vais le réduire de 20 %."

Le bâtiment des abattoirs, construit en 1962, d'une centaine de mètres de long, pas haut (deux niveaux), est une belle structure industrielle et sobre, hormis ses tuiles rouges. Les bêtes s'abreuvaient une dernière fois dans le maigre Paillon tout près, arrivaient sur pied, étaient abattues et vendues sur place. Le système frigorifique était novateur. Ce sont les abattoirs qui animaient ce quartier populaire. Depuis sa fermeture, c'est une zone sans âme, constituée d'entrepôts et de logements fatigués, à l'entrée est de la ville, que l'on nomme route de Turin. Une sorte de no man's land qui provoque davantage l'envie de filer que de s'y arrêter. Tout l'opposé de la flamboyante entrée ouest, avec la promenade des Anglais.

Faire venir le public

"Cette porte est, elle n'existe pas", reconnaît Mme Duez. "Une désolation totale", renchérit M. Estrosi, qui assure que le quartier va bouger, et fort. Mais cela prendra beaucoup de temps. Il ne sera pas facile de faire venir le public au futur centre culturel. "C'est la question centrale, mais j'y crois, répond Sophie Duez. Parce que nous allons proposer un lieu qui n'existe pas ailleurs."

Ce projet existe si peu ailleurs qu'il est difficile à cerner. Sophie Duez dit surtout qu'"il ne sera pas question de créer un théâtre, un centre d'art, un cinéma, une médiathèque, où les gens viennent, regardent et s'en vont". Il y aura une salle de spectacle qui sera aussi salle de répétition. Le dire l'agace déjà, comme si on voulait l'enfermer dans un schéma. "La réflexion est en cours depuis un an, et elle n'est pas finie."

Sophie Duez préfère évoquer "un laboratoire de la création où le public sera contributeur, un lieu qui fera émerger de nouvelles formes de culture, en mariant l'art, la technique et la science". Artistes, chorégraphes, historiens, chercheurs aussi, pourront être accueillis en résidence. Elle réfléchit également à des horaires différents - spectacle à 18 heures, lieu ouvert tôt le matin et tard la nuit.

Les expériences réussies

M. Estrosi est plus précis : "Les arts plastiques seront l'axe fort, parce que cette discipline est historique dans notre ville, avec l'école de Nice, qui a brillé mondialement. Et je vais installer des galeries sur le Paillon, tout proche, afin que nous devenions une destination mondiale de l'art actuel. Mais, aux abattoirs, il sera aussi question de littérature, de théâtre, de cinéma."

Les exemples abondent montrant combien il est épineux d'attirer un grand public dans ce type de laboratoire culturel. Sophie Duez répond en citant des expériences réussies à Nantes, Madrid, Berlin, Leipzig... Elle cite moins l'expérience récente du 104 à Paris, qui pour l'instant est un échec. Nice est-elle la bonne ville pour accueillir un lieu novateur ? "On me demande souvent pourquoi je suis allée m'enterrer ici. Mais il s'y passe plein de choses ! Notre rôle sera de fédérer les actions", répond Sophie Duez.

Le calendrier est fait : définition du projet et cahier des charges pour juin 2010. Concours d'architectes en 2011. Début de la rénovation en 2012. Ouverture en 2013. La comédienne entend faire vivre le projet en même temps qu'il se construit. Elle a beaucoup consulté, organisé des débats, va lancer un site Internet, et fait filmer le lieu. 2013 est la date des Jeux de la francophonie, que Nice vient de décrocher.

"C'est sûr, ça se fera", assure le maire. Sophie Duez précise : "Ce ne sera pas un lieu tape-à-l'oeil, pas un temple." Son mélange de lyrisme et de ténacité étonne. Pour dire qu'elle a les pieds sur terre, elle rappelle qu'elle a débarqué à Nice avec ses deux filles sous le bras, qu'elle a élevées seule.


Michel Guerrin

Article paru dans l'édition du 29.12.09

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